Le nom d'une montagne crée la polémique

Sasha Huber veut changer l'appellation de l'Agassizhorn, qui porte le du nom d'un scientifique raciste. Une initiative qui crée des remous dans les communes environnantes.

Si elle n'est pas la seule à le vouloir, Sasha Huber sera la première à le faire, symboliquement: l'artiste va déposer au sommet une plaque revêtue d'un autre nom.

Un hélicoptère a été réservé à cet effet pour le 23 août, journée internationale de commémoration de l'esclavage et de son abolition. Sur la plaque, un nouveau nom: «Rentyhorn». Renty est le nom de l'esclave noir de Caroline du Sud que Louis Agassiz (1807-1873) avait fait prendre en photo comme preuve «scientifique» de l'infériorité de la «race noire».

Du côté des trois communes sur le territoire desquelles se trouve le sommet controversé, l'initiative fâche. «Jamais nous n'approuverons une telle action», réagit le président de la commune de Grindelwald (BE), Emanuel Schläppi, interrogé par l'ATS.

Louis Agassiz n'a certes pas été parfait, mais la montagne a été nommée ainsi en hommage à ses compétences scientifiques, explique l'élu. Cela n'a rien à voir avec ses opinions personnelles.

Même son de cloche à Fieschertal (VS) et Guttannen (BE): «Nous n'avons pas beaucoup de considération pour une telle action», déclare Hans Abplanalp, président de la commune bernoise.

Atterrissage interdit

Et Emanuel Schläppi de se demander comment l'artiste va pouvoir apporter sa plaque au sommet de la montagne. Les hélicoptères n'ont en effet pas le droit d'y atterrir.

L'artiste d'origine helvétique et haïtienne balaie l'objection: l'appareil ne se posera pas. Sasha Huber et son équipe sortiront de l'hélicoptère en vol. Un alpiniste se chargera d'assurer préalablement l'artiste ainsi que son caméraman et photographe.

Dans un premier temps, la plaque, sur laquelle figurera aussi la photo de Renty, devait être fixée «sur la glace ou au sommet», selon l'artiste âgée de 33 ans. Désormais, il est juste question de la filmer et de la photographier avant de l'enlever. Par cette action symbolique, l'artiste espère rendre attentif à une des origines du racisme.

Elle veut mettre en lumière le côté sombre de Louis Agassiz et rendre son honneur à Renty et à sa famille. Cette action doit en outre constituer une partie de l'exposition de Mme Huber à Helsinki, son lieu de domicile et de travail.

Performance artistique

Mme Huber a jugé inutile d'informer de son projet les trois communes concernées, car elles se sont prononcées clairement contre l'attribution d'un nouveau nom à la montagne et qu'elles n'ont montré «aucune sensiblité» au problème du racisme. «Il s'agit d'une performance artistique, c'est une affaire entre la montagne et moi», assure-t-elle.

L'idée de rebaptiser l'Agassizhorn en Rentyhorn a été lancée en mai 2007 par l'historien st-gallois Hans Fässler, à l'occasion du 200e anniversaire du scientifique d'origine fribourgeoise. Sous le slogan «Démonter Louis Agassiz», un comité de seize personnes s'est constitué.

Les trois communes concernées, qui ont la compétence de changer le nom de la montagne, avaient rejeté l'idée. L'affaire était remontée jusqu'au Conseil fédéral. Interpellé par le conseiller national Carlo Sommaruga (PS/GE), le gouvernement avait estimé qu'il n'y avait pas lieu d'agir, et qu'il n'en avait pas la compétence. Même réponse en mars de la part du Conseil d'Etat valaisan.

L'action prévue le 23 août ne représente qu'un premier pas en vue du changement de nom de la montagne, précise l'artiste sur son site internet. Avec le comité «Démonter Louis Agassiz», elle va déposer des demandes formelles pour l'installation de cette plaque auprès de toutes les autorités juridiquement compétentes pour l'Agassizhorn.

Il s'agit selon Mme Huber des communes de Grindelwald, Guttannen et Fieschertal, des cantons de Berne et du Valais ainsi que du conseil de fondation et du comité de patronage du site Jungfrau-Aletsch-Bietschhorn inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO.

Source: SDA/ATS